26/09/2011

La galerie : affronter joyeusement l'avenir

Ouverte en octobre 2009, la galerie blanche fait peu à peu sa place dans l'univers bordelais de l'art contemporain et de la création artistique. Structure associative, elle a cherché depuis le premier jour, à DONNER A VOIR en dehors des courants et des modes, voulant montrer à des des publics très divers - et pas forcément familiers des espaces culturels dévolus à la création contemporaine - ce que l'art peut représenter de bonheur et de joie, mais aussi d'interrogations et de réflexions. Ainsi, avec des horaires d'ouverture si pour la plupart franchissaient le seuil d'une galerie d'art pour la première fois. Les échanges qui sont spécifiques (la galerie est ouverte la nuit en fin de semaine, notamment le jeudi soir), l'espace a reçu la visite de très jeunes, étudiants ou jeunes professionnels qui pour la plupart franchissaient le seuil d'une galerie pour la première fois. Nombreux sont revenus, certains sont devenus clients, beaucoup sont désormais des amis et tous participent à nos évènements et parfois les visiteurs timides ou sarcastiques du début sont revenus solliciter un stage, des conseils ou des avis. Plusieurs d'entre eux se sont décidés à entreprendre des études d'histoire des arts, d'autres ont intégré les Beaux Arts ou des écoles de graphisme suite à nos discussions et aux rencontres qui ont pu se faire dans la galerie. Peu à peu, par le bouche à oreille - la galerie n'a jamais vraiment fait de publicité, faute de moyens - les vernissages souvent animés par des groupes, des DJ ou des solistes, ont attiré une assistance très nombreuse. "La galerie blanche et ses louveteaux" comme a dit un jour un ami journaliste, tant l'image de la galerie de la rue du Loup est devenue un lieu emblématique pour de nombreux jeunes bordelais. La proximité du Dick Turpin's, de la Brasserie Le Cheverus, du Fiacre, partenaires de nos évènements facilite aussi l'empathie de ce public fidèle, combien de soirées de fin de vernissage ou de décrochage se terminent dans ces établissements sympathiques où les amis de la galerie sont reçus à bras ouverts !
Mais aujourd'hui, au moment de fêter son troisième anniversaire, la galerie doit faire face à plusieurs problématiques et la manière dont celles-ci seront abordées puis réglées déterminera l'avenir de ce magnifique projet que les 884 sympathisants (et, à l'heure où nous publions ce billet, les 519 amis Facebook), soutiennent par leur présence et leurs messages.
Le propriétaire des locaux que nous occupons depuis la création de l'association en 2009, n'ayant jamais voulu établir qu'un bail précaire, n'a jamais voulu établir un bail commercial qui aurait permis à la structure de bénéficier d'une protection légale contre une augmentation trop forte des loyers. Ce bail provisoire arrivé à expiration fin juin a été renouvelé mais avec une augmentation justement. L'essentiel de notre activité n'étant pas à but commercial, nos choix en matière d'expositions, leur fréquence et les frais inhérents à notre communication et au soutien des artistes de la galerie, l'association parvient difficilement à assumer les charges du local. Au demeurant sympathique, le propriétaire n'est ni altruiste ni mécène et l'art contemporain ne pèse pas plus dans sa politique que des chaussures ou des pommes de terre. Aujourd'hui, l'association a les caisses vides. les deux dernières expositions - reconnues comme de très grande qualité - n'ont pas permis d'assurer les charges des derniers mois contrairement aux précédentes expositions. Impatient et dans son droit, le propriétaire a considéré que le retard de loyer (un seul mois en fait) était un motif valable de rupture de nos engagements. Depuis quelques jours, un panneau "à louer" est apposé sur la vitrine... Des travaux de peinture et d'éclairage étaient prévus en septembre, ainsi que la pose d'une signalétique... Tout est donc suspendu pour le moment.
Doit-on baisser les bras et remettre à plus tard le redéploiement de nos activités ? Surseoir aux expositions et aux autres manifestations prévues et qui nous engagent auprès des artistes retenus (dont certains travaillent pratiquement suite à une commande de la galerie) ? Notre participation à plusieurs foires d'art contemproain un moment envisagée pour cette fin 2011 a été reportée aux calendes grecques... Doit-on déménager nos locaux et dès à présent nous mettre à la recherche d'un nouveau lieu d'exposition avec un loyer raisonnable et un bail normal et qui nous protègerait de la gourmandise des propriétaires et des agences ? Doit-on solliciter les pouvoirs publics pour une aide d'urgence ou le prêt de locaux à chaque exposition ? Doit-on dans ces conditions redéployer notre campagne de mécébat comme cela était programmé pour octobre 2011 avec la nouvelle exposition ? Faut-il faire payer les artistes qui veulent exposer chez nous et correspondant à notre vision de la création actuelle ? Comment choisir la meilleure direction sans trahir les principes fondamentaux de l'association ni devenir une boutique d'art et vendre du médiocre et de l'art-ificiel ?
Autant de questions que nous posons officiellement en ligne, invitant nos amis, les membres de l'association, nos confrères galeristes, les artistes, les élus à réfléchir à ce qui peut être fait, à ce qui doit être fait pour que ne s'arrête pas bêtement une aventure aux ambitions modestes mais pleine de promesses dans l'environnement culturel bordelais. Vos idées, aides et suggestions sont les bienvenues. Les références de notre compte bancaire sont disponibles sur simple demande. Toute proposition est la bienvenue : subventions publiques exceptionnelles, collectes de fonds ou aides privées, mais aussi toutes aides en nature (prêt de locaux, par exemple, concerts et spectacles au bénéfice de l'association). Allez, tous ensemble, à quelques jours du lancement de la 2e édition d'Evento, faisons en sorte que la galerie puisse chanter, avec Sylvie Vartan, et mieux, (plus arty contemporain) avec Chris Garneau, "ce soir je serai la plus belle, pour aller danser" !

Illustration : Gérard Garouste,
deux sorcières et un cochon,
gouache, 2011.
Actuellement à la Galerie Daniel Templon

Nouvelles du travail de Laurence Nourisson

Parue de tête. Création récente montrant le constant travail de l'artiste qui a exposé tout l'été à la galerie, et l'évolution de sa technique, le dynamisme de son inspiration. A retrouver sur son blog : cliquer ICI.

15/09/2011

Jean-Jacques Aillagon : Le créateur reste le seul maître de ses choix.

Peu avant que se déclenche l’Affaire "Piss Christ"(*), le journal Libération, dans son numéro du 13 avril dernier, avait lancé un débat intéressant que nous avons trouvé intéressant de relayer. "L’artiste doit-il être irrespectueux ?" Première réponse, celle de Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture, ancien patron du Centre Georges Pompidou, conseilleur de François Pinault à Venise et président jusqu'en octobre de l'établissement public du Château de Versailles.

Jean-Jacques Aillagon : "La question est complexe. Elle renvoie en fait à deux interrogations distinctes : l’artiste a-t-il le devoir d’être irrespectueux ? Cela signifierait qu’il n’y aurait d’œuvre que dans l’irrespect. L’artiste a-t-il le droit d’être irrespectueux ? Cela voudrait dire que l’artiste disposerait de droits particuliers, dérogeant éventuellement aux règles qui s’appliquent au commun des hommes. Quelques affaires récentes ont mis en relief la question de cette possible dérogation par rapport aux usages qui fondent les convenances sociales et culturelles. A Avignon, la présentation de Piss Christ d’Andres Serrano, dans la collection Lambert, suscite des protestations, comme celle de A Fire in My Belly de David Wojnarowicz à la National Portrait Gallery de Washington, ou encore celle de la Nona Ora de Maurizio Cattelan représentant Jean-Paul II écrasé par un rocher.

L’artiste doit-il disposer d’une complète liberté, forme suprême de la liberté d’expression ? N’est-ce d’ailleurs pas dans cette liberté que reposent le ressort et l’intérêt même de l’acte créateur ? L’artiste doit, en effet, pouvoir s’affranchir des règles, des conventions et des certitudes, cette liberté concernant tout d’abord les normes esthétiques. L’artiste sera alors irrespectueux et je dirais que c’est tant mieux. Gardons-nous cependant de considérer que seules les marques superficielles et parfois formelles de l’irrespect caractériseraient l’artiste et le consacreraient en tant que tel. L’irrespect est à mes yeux une attitude positive de refus des préjugés. On ne peut, cependant, le réduire aux formes anecdotiques de l’insolence qui ne recherchent, de façon superficielle, que la provocation ou le sensationnalisme.

A vrai dire, entre les écorchés de Fragonard et les cadavres naturalisés de l’exposition "Our Body", je vois une nuance qui réside dans l’essentiel, c’est-à-dire dans l’état d’esprit qui motive la liberté prise par rapport aux conventions. Quand Wim Delvoye se livre à des tatouages sur des cochons ou, qu’avant lui, Hermann Nitsch, actionniste viennois, mettait en scène des sacrifices de bovins ou d’ovins, ils transgressent, de toute évidence, les règles et même les lois qui s’appliquent au traitement des animaux. Dans le même temps, ne peut-on considérer qu’ils nous renvoient, l’un et l’autre, de façon très crue, aux questions de notre relation avec le monde animal, avec la vie et la mort, et que d’une certaine façon ils renouent avec la fascination qu’ont exercé sur les artistes, de tout temps, la mort, la souillure, la saleté, la déjection, comme on le voit dans le retable d’Issenheim de Mathias Grunewald ?

Y a-t-il des limites ? Faut-il des limites ? Qui doit décréter les limites ? Qui doit juger leur transgression ? La question est souvent d’actualité, comme le montrent les actions en justice engagées contre les commissaires de l’exposition "Présumés Innocents" ou contre le château de Versailles à l’occasion de Jeff Koons. Le Petit traité de la liberté de création d’Agnès Tricoire aborde cette question avec précision. Pour ma part, je considère que c’est à l’artiste seul à rester le maître de ses choix et à ceux qui ont la responsabilité de présenter ses œuvres dans l’espace public d’évaluer ce qui est compatible avec l’état des sensibilités qu’elles rencontreront. J’aimerais en tout cas qu’on sache échapper à la désinvolture et à la censure à la fois, y compris à l’autocensure qui est la pire, et que l’on évite de sombrer dans la judiciarisation de la vie culturelle à laquelle invitent les initiatives désormais trop fréquentes de saisine des tribunaux par des individus ou des associations qui s’estiment lésées par la présentation de telle ou telle œuvre qui ne leur convient pas ou qui les choque.

A mon sens, il n’y a pas de création sans liberté. Cette liberté, l’artiste en est à la fois le bénéficiaire et le juge. Elle ne le dispense pas de se souvenir des lois fondamentales qui règlent la solidarité morale et politique de l’espèce humaine, comme les droits de l’homme. On ne saurait imaginer que l’artiste ou l’écrivain, parce qu’il est créateur, pourrait s’affranchir lui-même de ces règles fondamentales. Pouvait-on, en effet, absoudre Céline de son épouvantable antisémitisme parce qu’il avait du talent et encenser son "irrespect" ? Non, bien évidemment."

© Libération 13 avril 2011

(*) : Afin de mettre en avant les conditions de réalisation de sa photographie, Andres Serrano l'intitule Immersion (Piss Christ). Il défend son travail comme étant une critique de "l'industrie milliardaire du Christ-des-bénéfices" et une "condamnation de ceux qui abusent de l'enseignement du Christ pour leurs propres fins ignobles." À la suite du vandalisme que l'œuvre a subi à Avignon en 2011, Serrano, tout en se disant chrétien, s'est de nouveau expliqué sur le titre : "Mes titres ont un caractère littéral et sont tout bonnement descriptifs. Si je réalise un monochrome de lait ou de sang, j'appelle cela “lait” ou “sang”." Il a ajouté à propos du sens à donner à sa photographie : "J'ai pris un crucifix, car c'est un objet banal, en tout cas en Amérique […]. Si en faisant appel au sang, à l'urine, aux larmes, ma représentation déclenche des réactions, c'est aussi un moyen de rappeler à tout le monde par quelle horreur le Christ est passé. "

06/09/2011

La galerie prend quelques jours de vacances


Après un été consacré au travail de Laurence Nourisson qui était présente à la galerie pour recevoir les nombreux visiteurs venus découvrir son travail, la galerie prend quelques jours de repos et sera fermée jusqu'au 15 septembre. Le temps de se refaire une beauté pour accueillir les prochaines expositions, notamment la présentation des travaux récents de la plasticienne Évelyne Lavenu.