14/11/2013

Nous vous recommandons : Jacques Le Scanff à la Galerie Première Ligne. Un évènement !


Depuis son ouverture, la galerie blanche tient ses amis et fidèles informé de l'excellent travail qui se fait à Bordeaux, au 8 rue Teulère, près la Grosse Cloche (quartier Saint-Paul), à Bordeaux, dans la superbe Galerie-Librairie-sonothèque Première Ligne de  Cécile Odartchenko, écrivain et éditeur (Les Vanneaux).

Celle-ci présente à compter de cette semaine et jusqu'au 20 décembre, le travail de 
Jacques Le Scanff.
le vernissage aura lieu le vendredi 22 novembre 2013, à partir de 19 heures.
L'évènement est d'importance tant l'artiste qui a côtoyé toute sa vie les esprits les plus brillants de notre temps, traduit dans ses œuvres toute son humanité et son sens du spirituel qui élève l'humain, donnant à voir tant les hommes que la nature qui les environne dans une vérité aussi crue que poétique.

Venez nombreux découvrir cet artiste :


La Galerie Blanche , qui apporte son soutien inconditionnel à Cécile Odartchenko se réjouit de la présentation du travail de cet artiste de très grande qualité à Première Ligne. Pour ceux qui ne le connaissent pas, voici ci-dessous, la notice composée pour l'occasion par le poète Jean-Paul Bota :

"Jacques Le Scanff, un esprit vagabond

La rencontre – l’Homme

La première fois que je l’ai rencontré, j’avais dû arriver en avance au rendez-vous et je l’avais attendu au bout de l’impasse devant son atelier. C’est là donc, un après-midi de janvier que j’aperçus pour la première fois,  foulant le pavé herbu humide aux interstices, bravant l’hiver, sa silhouette longiligne et son épaisse chevelure blanche longeant les ateliers, dos voûté comme sur une mobylette imaginaire presque, comme fonçant depuis toujours vers quelque nouvel objectif.


 Je lui serrai timidement la main et il me fit entrer. Odeurs des peintures à l’huile et palettes de couleurs fraîchement déposées sur un établi voisinant avec manuscrits, livres, téléphone, post-it aux fenêtres, voilà pour l’horizontal. À la verticale, c’étaient les toiles du Maître aux murs, les dessins et la vaste bibliothèque où s’étageaient les livres offerts par « ses » poètes, ceux qu’il avait publiés au Préau – sa Maison fondée en 2000 – et ceux à qui il avait consacré un numéro de la Revue, parfois les deux : Mathieu Bénézet, Christiane Veschambre, Michèle Desbordes, Marcel Cohen… côtoyaient  Claudel, François Bon, Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Nicolas Bouvier et bien sûr Faulkner, son grand amour, les livres de peinture, ses propres livres même car l’homme est aussi poète et quel Poète... Lisez ses Miettes de Macquis, écrit pour la majeure partie dans le Métro, feuilletez son Eiffel, la tour  de fer, un poème photographique, oui…, photos encore ou peintures des livres en collaboration, Le Louvre, lumière des pierres avec Michel Ellenberger, Deux textes sans titre et huit photos avec Marcel Cohen, Images vraies avec Mathieu Bénézet...  La bibliothèque donc… À ses pieds, sur la moquette élimée, des cartons que le livreur vient de déposer, le tirage récent d’un auteur, les épreuves ne sont pas très loin. Tout cela flotte tranquille dans la chaleur d’un chauffage d’appoint, la radio ronronne. On s’installe, on parle des textes que je lui ai envoyés quinze jours plus tôt, on aborde la peinture, Turner et Hopper (des peintres dont nous avons parlé, il me semble, à mon initiative). Il me dit qu’il  voudrait lire d’autres textes de moi, insiste pour que je l’appelle Jacques en  toute décontraction pour créer un climat favorable à un dialogue qui ne s’arrêterait pas là.  Il me laisse parler surtout,  il n’est pas homme à faire la pose ou à se perdre dans des épanchements gratuits, pas homme à exister, en somme,  indépendamment de ses interlocuteurs et confidents.  Je repartais à la nuit dans le froid, sa piqûre, celle d’un deux-roues peut-être, la ville bruinait ses lumières vertes, rouges…  je revivais notre rencontre, nous ne tarderions pas à nous revoir…
Ce que je sais aujourd’hui de lui ne m’a pas été offert d’un seul tenant. Il m’aura fallu des années de collaboration et de confidences livrées par bribes irrégulières, voire accidentelles, et ce au hasard des rendez-vous et des projets.   Peu à peu, le voile tombe : je découvre l’étendue et la singularité de ses passions : de la peinture au dessin, en passant par la poésie avant-gardiste, sans oublier la photo,  tout ça sous le patronage de quelques figures emblématiques : Van Gogh, Cézanne… Bonnard retouchant ses toiles au musée, il me raconte…  et Bokor… De fil en aiguille, il exhume, pour mon plus grand plaisir, ses  vies antérieures : son enfance à parcourir le Louvre*, son travail à La Collection Découverte chez Gallimard, d’illustration de la Bible pour enfants, de photographe pour le PAM au Vietnam et en Afghanistan notamment. Ses anecdotes sont édifiantes : parlez-lui  de Kateb Yacine par exemple et il vous racontera aussitôt quelques unes de leurs mémorables beuveries, d’un cinéaste, Manuel de Oliveira ?, il l’a photographié, il a vécu la Révolution des Œillets,  vous vous hasardez du côté de José Afonso,  l’interprète de la chanson Grândola, vila morena diffusé le 25 avril à minuit quinze, sur Rádio Renascença, qui servit de signal pour débuter la Révolution qui renversera le régime, il l’a côtoyé, de même pour Pierre Magnan qui était son voisin…  Hasard des rencontres ou puissances de la destinée : son ami d’enfance, ayant-droit des œuvres d’Albert Cohen qu’il  a naturellement publié,  n’est rien de moins, excusez du peu,  que l’ancien Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme, Daniel Jacoby, de surcroît avocat, poète et écrivain, son gendre, Benjamin Stora, et j’en passe. Il a toujours quelque chose de surprenant à vous dire. Qu’il nous livre un pan de sa vie, on l’écoute, pantois. Chez lui, l’occasion fait souvent le larron, il ne s’affiche pas, ce sont les circonstances, voire des répliques involontaires, qui font qu’on le découvre.
Toute personne qui a la chance de croiser sa destinée, de s’entretenir avec lui ne serait-ce qu’une fois vous dira que c’est un être délicieux, toujours prêt à laisser la vedette à autrui. L’Humanité l’habite, l’humour, le détachement, la légèreté, le charme, la confiance en son prochain, le mystère, la modestie aussi, je l’ai déjà évoqué… Il rêverait de faire ressortir au grand jour des peintres injustement restés sous silence, de faire un numéro de revue uniquement avec des auteurs inconnus… La générosité de l’Homme est sans limite et sans calcul,  il convient d’insister là-dessus, et pour cause : c’est ainsi qu’il me confiera un jour la Revue, sans préambule et sans programme précis : un seul mot d’ordre, en somme, carte blanche…

La revue – Jean-Paul Michel – Bordeaux
Ménilmontant. Le café du coin où nous avons nos habitudes. On parle de la revue. Très vite, il y aura Mathieu Bénézet puis Jean-Paul Michel, Pierre Bergounioux… Très vite, la poésie croisera la peinture, la sculpture : Denis Martin, Pierre Édouard, Richard Laillier... À Bordeaux, pour le n°10, le souvenir de la Gare Saint Jean, sur le quai, la silhouette de Jean-Paul Michel, parapluie prolongeant le bras, qui nous hèle, c’était l’hiver encore, le tram, la visite de ses ateliers, souvenirs d’avec Pierre Bergounioux au Lycée Cabanis, la classe de première – Pierre, l’ami de toujours –, évocation de la rencontre, dans sa jeunesse, avec André Breton, c’était à Saint-Cirq-Lapopie (ce dont témoigne P.B. dans ses Carnets de notes), le souvenir ému de Jean-Marie Pontévia qui aura été l’un de ses professeurs, qu’il publiera, le premier livre réalisé matériellement, imprimé sur une presse de récupération, le Roi de Mohamed Khaïr Eddine, il avait seulement 17 ans (on ne peut s’empêcher de penser à Rimbaud), il avait dix-sept ans donc, Khaïr-Eddine un peu plus, c’était avant la Fondation des Éditions William Blake en 76 (publications de littérature contemporaine, de livres sur l’art, de poésie, d’ouvrages sur la musique, la photographie, la psychanalyse…), bientôt 50 ans déjà d’une aventure, d’une vie vouée à des signes, eux-seuls qui pourront maintenant nous sauver pour évoquer un poème dédié par J.P.M. à J.M. Pontévia. Mais revenons à Rimbaud : « Très tôt [dit-il], Rimbaud a été pour moi une illumination absolue et un problème considérable puisque c’était aussi un emprisonnement, le pire des châtiments, donc. Pour sortir de ce piège, je n’ai pas écrit pendant dix ans afin de ne pas devenir un perroquet. Il a fallu un remède de cheval. Il a fallu que je me détache, que je me guérisse, que je me débarrasse de moi, que je sois nouveau. Au fond, c’est toujours ça l’enjeu de l’écriture. »
La prose de Jean-Paul Michel, une voix unique dans la poésie de ce temps. Incarnée. Grave. Son flux, son reflux (…) une mer dans les mots de Jacques…
Un mot encore pour Daniel Puymèges, ami de Jean-Paul Michel, que Jacques rencontrera avec ce numéro 10. Hasard heureux, la rencontre se fera un jour où D.P. sera le seul à se rendre à l’atelier pour fêter la sortie du n°10, ignorant que la date a été déplacée. Mécène, un temps, il travaillera au Préau et y publiera un roman ; il disparaîtra prématurément.

Sa peinture
Les expositions à l’atelier de la rue d’Oberkampf, celles de l’avenue de Choisy, le nouvel atelier (après que des promoteurs l’ont poussé à quitter l’impasse). Ou à la Galerie Nouvellet… Les amis sont là et le vin coule à flot. L’Humanité d’une peinture, le cœur consenti de tout ce qu’il a vécu, fusionnant les saisons et les âges (60 ans qu’il peint, s’intéressant tour à tour à la céramique, au dessin, à la lithographie, à la gravure, exposant à Paris, à Forcalquier, à Aix-en-Provence, à Genève ou à Lausanne), l’Humanité d’une peinture donc dans laquelle on reconnaît le vivant  et son sacrement continuel, on croit y déceler, voire entendre la partition de l’Être. Il y a les bleus surtout comme la vie-vitre réfléchissante où s’élève sa voix, sa voix visiblement, apparaissant par ex. collines d’hier, dans le regard, le sien, lorsqu’il peint, le hameau habité et Lure, sa silhouette, Forcalquier… Sa peinture silhouettant l’Être et la tendresse rassemblée là avec  l’exactitude des gestes. Cela qui du dedans de la toile fait bondir l’éclat qui nous frappe. Pierres noueuses comme il dit, collines sauvages…, bois profonds, ont envahi sa peinture, pris le pouvoir plutôt, elle où il se hausse encore, poussé sur la scène de la générosité, rare, infiniment… Il y a du vert aussi parfois ou du rouge, blanc et noir mêlés, du brun même… J’y lis l’enfance, l’enfance du cœur et sa vie d’homme comme dans le trait vibrant de ses dessins. On a tous les âges à chaque instant dit Pierre Bergounioux. Tous ces êtres logés en lui – je songe aux portraits aussi –, c’est avec eux qu’il devise lorsqu’il peint, lorsqu’il dessine, façon lumière du mouvement  – une main satisfait au désir – ne faisant qu’un, il écoute une voix, l’emporte – où ? Toujours à l’avant-garde de la modernité, il se lance aujourd’hui dans la peinture numérique. Je l’imagine en ce moment près d’une eau, l’esprit vagabond, traversé de rêves (ou bien est-ce lui qui les traverse) ou dans un train, ces trains qu’il affectionne, il dit : jusqu’à l’ivresse la vie qui nous entoure…"

* voir sur le site le reportage de Christine Ockrent (http://www.preaudescollines.fr)
Jean Paul Bota

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